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Pirates-typographes

Par Théo Hovnanian

Cet article est issu du mémoire de Master de Théo Hovnanian soutenu en janvier 2023 à l’EESAB intitulé «La Signature Warez : Empreinte d'une culture souterraine», encadré par Marjolaine Lévy et Catherine de Smet.


La Scène Warez, désigne l’ensemble des personnes qui piratent, collectent et distribuent des logiciels, films, jeux-vidéos, livres et tout type de médias numériques illégalement, les rendant disponible et gratuit pour tous. Ce réseau mondial opérant sur internet est divisé en nombreux groupes de pirates et se manifeste à travers le streaming illégal et le téléchargement de torrent1 pour le grand public. Le terme «Warez» est dérivé du mot anglais «ware», un diminutif de «software» qui signifie logiciel en français. Pour faire simple, le Warez fait référence à tous les contenus protégés par des lois de copyright, piratés et redistribués par des groupes de pirates via internet, aussi appelés groupes Warez. Toutes ces actions sont réalisées dans l’écosystème que représente la scène Warez ou simplement La Scène, un réseau underground et organisé en différents groupes Warez.

 

Collection de fontes bitmap issues de la demoscene, fontes collectées par Ian Hanschen.

 

Certains de ces groupes sont actifs depuis le milieu des années 1980. C’est le cas de Razor1911, un groupe norvégien de renommée mondiale, qualifié du plus ancien «groupe de piratage de jeux-vidéo» selon la Section de la criminalité informatique et de la propriété intellectuelle du ministère de la justice des États-Unis. Beaucoup d’autres groupes ont disparu, mais tous ont des modes de signatures récurrents et communs, nés de cet écosystème underground. Ces différents modes de signatures rendent comptent d’une envie d’appartenance et de revendication, dans un milieu ou la compétition a toujours fait rage entre les différents groupes.
Cela se manifeste par des logos, typographies, ornements, illustrations, animation, simulation et même journaux numériques, tenus par ces groupes pour informer la communauté de leur actualité, leurs dernières releases2, l’arrivée de nouveaux membres etc. Ces visuels permettaient de manifester des idées et de construire un environnement commun anti autoritaire où règne la libre information. Tout ce matériel graphique met en lumière l’existence d’une culture souterraine à part entière : la culture Warez.


Lorsqu’on parle de signature, qu’elle soit autographe ou le logo d’une corporation, on pense à un objet graphique unique et inchangeable. La particularité des groupes Warez est qu’ils ne signent pas toujours de la même manière. Bien sûr, leur nom reste le même et on retrouve des signes identifiables, mais c’est tout l’aspect graphique qui varie d’une signature à l’autre. Cela s’explique par la diversité d’artistes responsables des visuels, chacun apportant une vision unique à la signature.

Ces changements graphiques passent surtout par la typographie, conditionnée par le support de signature. Chaque support propose différents niveaux de lecture et tous présentent un lettrage singulier du nom de groupe. On retrouve toujours ce nom en titrage, faisant office de logo. Ce titre est accompagné de texte courant qui voit son contenu et sa forme varier d’un support à l’autre. Si l’on prend l’exemple des cracktros3, le texte de labeur est dans une typographie particulière choisie par son créateur. À l’inverse, la fonte du texte courant d’un fichier NFO4 va être choisie par défaut par le système d’exploitation de l’utilisateur, généralement une monospace, qui peut être changée selon le logiciel utilisé pour le lire. Sur les supports interactifs comme les BBS5, l’utilisateur a parfois la possibilité de changer la typographie avec une touche du clavier. Ce phénomène est très commun chez les journaux numériques Warez, où confort de lecture et personnalisation de l’interface sont de mise.
Dans tous ces supports, le texte courant était toujours écrit avec des caractères bitmap à chasse fixe. Les limitations graphiques des ordinateurs ne permettaient pas d’avoir des polices de caractères à chasse variable. La chasse fixe est toujours un standard pour les terminaux informatiques et les IDE6, permettant une meilleure lisibilité du code. Du côté créatif, c’est un outil indispensable pour l’art ASCII7 et ANSI8 que l’on retrouve respectivement dans les NFO et BBS. La monospace caractérise le médium informatique, faisant référence aux balbutiements des premiers ordinateurs, au codage et à la patine de la machine numérique. C’est pour cela que l’on retrouve ce genre de typographies dans des cracktros plus contemporaines, un héritage de toute cette culture numérique.

 

 

RAZOR_ 1BITPLAN, charset créé par Sector9 à la fin des années 1980.

 


Certains groupes créaient leur propre fonte pour leur cracktros, et c’est le cas de Razor1911. Sector9, l’un des trois membres fondateurs du groupe, est à l’origine de plusieurs jeux de caractères ou «charset» en bitmap. Par exemple, le charset «RAZOR_1BITPLAN» créée par Sector9 est utilisé dans de nombreuses cracktros et démos9 de Razor depuis le début des années 1990, comme avec Vertical Insanity, une démo de 1990. On retrouve ce charset chez d’autres groupes à travers La Scène, avec par exemple une cracktro du groupe Paradox en 2000, et même dans des intros plus contemporaines avec une craktro de Skidrow en 2009.

 

Extrait de Vertical Insanity, démo de Razor1911, 1990.

 

Extrait de la cracktro de Pocket Jiman, Paradox, 2000.

 

Extrait de Armed Force Corp., Skidrow, 2009.

 


D’une certaine manière et comme beaucoup d’autres, Sector9 prenait le rôle d’un typographe. De nombreux jeux de caractères ont été créés pour ces supports de signature. Pourtant, ces typographies n’ont pas de nom qui leur est propre, elles sont généralement directement associées à leur auteur ou au groupe qui l’utilisait. Elles deviennent alors à elle-même une forme de signe distinctif qui caractérise le groupe. Pour la plupart, ces caractères viennent de la scène démo et il en existe des centaines. En faisant des recherches sur leurs origines, on remarque que certaines étaient populaires et utilisées par de nombreux groupes. Par exemple, on retrouve cette fonte  sur une cracktro de Razor, une démo du groupe Equinox  et sur une autre du groupe Automation. Elle est en fait tirée du jeu Wings of Death sur Atari ST. Beaucoup de ces fontes sont directement extraites de jeux de l’époque, tandis que d’autres les prennent comme référence et s’en rapprochent formellement.

 

Typographie du jeu Wings of death sorti en 1990 sur Atari ST et Amiga.

 

Extrait de la cracktro de Battle Chess VGA, Razor1911, 1993.

 

Extrait de la démo Dragoon Demo, Equinox, 1991.

 

Intro de la compilation d’intros CD #426, Automation, 1991.


Si l’on regarde du côté des titrages, c’est un peu différent. Bien évidemment, ils sont pour beaucoup hérités du jeu vidéo mais on trouve aussi des lettrage qui font référence à d’autres cultures dont nous parlerons prochainement. Si l’on regarde les cracktros de Razor, une version différente de leur logo est présente dans chacunes d’elles.  On remarque assez rapidement qu’il s’agit de lettrages dessinés exclusivement pour le groupe. Phénomène que l’on rencontrait déjà avec les BBS où les logos étaient dessinés en art ANSI, et avec les NFO en art ASCII. Avec l’apparition de logiciels de dessins matriciels comme NEOchrome, Deluxe Paint ou MacPaint  au milieu des années 1980, il devenait possible de créer facilement des images basse résolution pour les intégrer aux cracktros, trainers10, keygen11 et installateurs. D’année en année, la résolution maximale augmente jusqu’à ce que la trame du pixel disparaisse. On voit ce changement dans les signatures de la fin des années 1990 à début 2000. La création des calques par Photoshop au milieu des années 1990 change drastiquement la manière de créer des images numériquement. Les lettrages se voient eux aussi libérés de la matrice du pixel qui devient alors un simple effet graphique nostalgique dans certaines signatures.
La typographie joue un rôle majeur dans les signes de La Scène. Certains membres de Razor1911 prenaient sans le savoir le rôle de typographes en créant jeux de caractères et lettrages. Ces lettrages hérités de cultures diverses ont forgé l’identité du groupe, proposant un univers graphique particulier et distinctif. La question étant, à quoi font échos ces formes graphiques et quelles sont ces références dont je vous parle depuis tout à l’heure ? Patience, avant cela nous allons nous intéresser à un objet graphique qui prend à contre-courant l’idée d’une signature variable : le logo stable.

 

Chaque groupe de La Scène a un logo qui ne change pas, ou presque pas. Celui de Razor1911 n’a pas changé depuis les années 1990. On retrouve ce logo sur les différents supports que nous avons analysés plus haut. À première vue, le logo semble être fait en pixelart. En réalité il est fait en art ASCII avec une font monospace qui comprend des symboles cubiques et rectangulaires de tailles et d’épaisseurs différentes. Correctement assemblées, ces formes rappellent la trame du pixel. Ce choix dépend en fait du support, le NFO, qui est encodé en ASCII. Cela leur permet d’y insérer leur logo aisément. Le logo est constitué d’un lettrage monochrome en lettres capitales entouré d’un contour, suivi des inscriptions «1911» et «<JED>». La deuxième est en fait la signature de l’artiste qui est à l’origine du logo. Ce signe fait partie intégrante du logo et en est indissociable, présent à chacune de ses apparitions. Cela est très peu commun pour un logo. Dans n’importe quel autre domaine, on ne trouvera jamais le nom du graphiste à ses côtés. Cela lui donne un statut d’œuvre originale, où Jed est reconnu en tant que créateur et mis au devant de la scène comme faisant partie intégrante du groupe. Cette imbrication de signature est un phénomène commun dans le monde du Warez, où les artistes artscene cherchent à être reconnus pour ce qu’ils font. Cela leur permet d’avoir une visibilité à travers la scène Warez et de s’y faire une place. Un logo comme celui de Razor1911 devient alors un objet graphique hybride, à la fois signature du groupe et carte de visite du graphiste.

 

Logo ASCII classique de Razor1911, JED, 1995.

 

Penchons nous maintenant sur la typographie. De prime abord, il s’agit d’une typographie à empattement en capitales. Si l’on regarde les «R», on remarque leur longues jambes qui font référence aux «R» des capitales lapidaires romaines,  tout comme le «Z» qui se rapproche de ce type de typographie. Le A fait plutôt échos à l’écriture onciale avec sa traverse inclinée. Tandis que le «O» est une référence claire à une typographie gothique textura. Un titrage hybride tiré de formes d’écritures antiques et médiévales, symptomatique du genre «heroic fantasy» ou «médiéval fantastique», genre littéraire très présent dans le monde du jeu vidéo.
On trouve ce genre de lettrage sur la plupart des jaquettes de jeux vidéos qualifiées de RPG et sur les boîtes de jeux de rôle sur plateau de l’époque.  En creusant un peu, on peut aussi y trouver une référence aux couvertures des GURPS, un système de jeu de rôle sous forme de livre, très populaire dans les années 1990, où étaient recensées règles, scénarios, personnages, objets, sorts, lieux etc., chaque GURPS proposant un univers prêt à l’utilisation. Bien évidemment on peut aussi parler des romans d’heroic fantasy aux couvertures souvent typographiées avec ces types de caractères. En allant plus loin, on peut regarder l’alphabet elfique créé par Tolkien pour l’univers du Seigneur des Anneaux. L’alphabet «Quenya» ou «haut-elfique», qui ressemble beaucoup aux caractères de l’écriture onciale.
Finalement, on pourrait se dire que ce logo est un mélange un peu naïf de référence au monde de l’heroic fantasy. Mais n’oublions pas que Razor1911 est un groupe Warez créé en Norvège, le berceau du black metal au début des années 1990. Il suffit de regarder les premières pochettes d’album du genre musical pour comprendre le lien. Elles sont souvent typographiées avec des gothiques médiévales, comme «BURZUM», album éminent du genre. Au delà de ce détail typographique on trouve souvent des références à l’univers du métal dans les visuels et les messages de La Scène Warez. Parfois on est aussi confronté à des références directes à des groupes de métal connus dans les formes graphiques, mais nous verrons cela plus tard. S’ajoute à cela l’inspiration assumée du genre heroic fantasy dans l’imaginaire du métal.En fin de compte, ce seul logo nous en dit beaucoup. ll est déjà révélateur de certaines références de Razor1911 et d’une partie de leur culture. Puisant leur inspiration dans les médias qu’ils consomment ; jeux vidéos, musique, livres etc.

 

Toutes ces signatures font appel à une imagerie très riche aux références diverses, passant par la typographie et l’illustration. Certaines des signatures de Razor font des références directes à des symboles populaires, sans forcément les prendre à contre-courant. Cela peut s’expliquer pour des genres musicaux comme le heavy metal, provocateur et revendicateur. On trouve d’ailleurs beaucoup de clin d’œil au genre dans les signatures de Razor et à travers La Scène, que ce soit dans les visuels ou dans les musiques chiptune12 qui les accompagnent. Tenez, prenons cette cracktro de Heroes of Might and Magic V, le lettrage y est directement inspiré de la pochette de l’album Ride the Lightning de Metallica. Ou encore sur celle-ci où le lettrage est grandement inspiré du logo d’Iron Maiden. Le cinéma est aussi une source d’inspiration. Ici, le logo de Jurassic Park  est détourné vers une version Razor. On notera que la gueule du dinosaure a été remplacée par un symbole emblématique du jeu vidéo : la Triforce, tiré du jeu Zelda. Symbole souvent utilisé par Razor dans ces signatures après la sortie du premier jeu en 1986. Une imbrication de référence donc, qui permet de faire le lien vers les références au jeu vidéo. Elles sont nombreuses et passent pour beaucoup par la typographie comme on l’a vu plus haut. On pourrait aussi parler des références à la bande dessinée, aux comics et aux cartoons. Le plus important, c’est que ces univers font échos à leurs influences. Ces signatures rendent hommage à des œuvres qu’ils ont aimé et témoignent de ce qu’ils regardaient, lisaient et écoutaient. Au final, Razor1911 s’approprie les codes de la culture populaire pour les détourner, les imbriquer et en créer de nouveaux qui leur appartiennent et les représentent.

 

Extrait de la cracktro de Might and Magic V, Razor1911, 1993.

 

 

Extrait de la cracktro de Goofy’s Railway Express, 1996.

 

Modèle de cracktro réalisé par Hetero et Zebig, Razor1911, 1999.

 

 

Il existe un lien très fort entre les visuels de la scène Warez et le graffiti. En effet, une grande partie des signatures Warez font échos aux lettrages de graffeurs. On retrouve ces formes à travers tous les supports : BBS, NFO, cracktros, hirez13 etc. Ce lien fort entre ces deux cultures peut s’expliquer de plusieurs manières. Dans son ouvrage Cholo Writing : Latino Gang Graffiti in Los Angeles François Chastanet étudie les graffitis des gang latino à Los Angeles, il explique que «Le graffiti d’East LA a son propre format unique appelé placas ou «plaques», symboles des limites territoriales des rues. Les placas sont des murs peints de graffitis portant le nom d’un gang et de ses membres, le plus souvent peints sur les limites ou les bords de leurs communautés. Ce sont des gages d’allégeance à leur quartier. Les placas encouragent la force du gang, créent une aura d’exclusivité et sont toujours peintes en lettres noires.» On pourrait comparer le format des placas aux supports de signature Warez. Le principe est le même, c’est le medium qui change. L’un est physique, l’autre est numérique, mais les deux sont des espaces publics. Cette analogie peut même aller plus loin. Lorsque Razor accompagne son crack d’une intro, il marque le jeu piraté comme étant son territoire. À la naissance des cracktros, cette idée territoriale était encore plus forte car elles étaient directement intégrées au jeu, remplaçant l’intro originale. Mais dans la forme, les signatures Warez se rapprochent bien plus du graffiti dit «new-yorkais». En effet, les couleurs et les lettrages en sont directement inspirés. Elles se rejoignent aussi dans le besoin de célébrité et de reconnaissance, où les exploits techniques et la qualité plastique seront récompensés par un gain de notoriété. À cela s’ajoute l’architecture de la scène graffiti, réseau organisée en différents groupes d’artistes aux pseudonymes qui pourraient rappeler ceux des pirates. Les graffeurs new-yorkais avaient même trouvé le moyen de faire voyager leur signature à travers la ville en les apposant sur des rames de métro ou des camions, des supports mobiles leur donnant une visibilité incontestable et une qualité d’objet graphique presque animé. D’ailleurs, la vue d’un métro ornée de tags passant une station pourrait rappeler le texte défilant d’une cracktro.  Nous pourrions faire un tas d’analogies amusantes entre la scène Warez et le graffiti new-yorkais, car les deux ont un lien très fort dans leurs intentions, leurs esthétiques et leur organisation. Finalement, il n’est pas étonnant que les pirates s’en inspirent pour leurs signatures, qui dans certains cas comme celui des cracktros pourrait être qualifiée de vandalisme numérique.

Extrait de la cracktro de The Blue and The Grey, Razor1911, 1993.

 

Extrait de la cracktro de Soldiers of Fortune, Razor1911, 2000.

 

Millenium Edition, hirez par Infernal Flames, 2000.

 

 

Les typographies créées par les pirates de La Scène sont forgées par leur références. Mais ce qui les rend particulières, c’est que ces références sont tant assumées qu’elles sont parfois directement calquées sur des typographies existantes. Toutes ces fontes «pirates» portent alors bien leur nom. On assiste finalement à un phénomène d’imbrication de références typographique, créant des objets hybrides aux références diverses et à l’apparence singulière qui donnent naissance à une esthétique propre à la culture Warez.

 

 

Mémoire complet disponible sur http://www.ohannes-superbank.net/downloads.html

 

 

 

 

1 Un torrent désigne un fichier téléchargeable avec le protocole de transfert de donnée Bittorrent, créé en 2002 par le programmeur Brahm Cohen. Ce protocole utilise le procédé de pair à pair où chaque utilisateur partage une fraction du fichier lorsqu’il le télécharge. Ce protocole est très utilisé dans le téléchargement illégal, un des plus grands sites de distribution de fichiers torrents étant ThePirateBay.

 

2 Désigne un crack réalisé par un release group comme Razor1911.

 

3 Cracktro est un mot valise qui mélange crack et intro. Un crack désigne la modification d’un programme payant permettant d’en casser la sécurité pour l’acquérir gratuitement. Une intro désigne une simulation programmée et animée en temps réel sur une machine, accompagné de musique chiptune. En fait, une cracktro est simplement une intro accompagnant un crack de jeu vidéo. Une promotion spectaculaire et revendicatrice, codée à l’intérieur même du programme d’origine.  Dans ces expérimentations numériques impressionnantes et provocatrices à la limite de l’insolence, les crackeurs montrent leur talent de programmeurs, narguant les éditeurs en faisant leur propre promotion. On pourrait comparer ces créations à des clips musicaux, là où l’expérimentation et la créativité n’ont pas de limite.

 

4 Lorsqu’on télécharge un fichier illégalement, peu importe le média, il est presque toujours accompagné d’un fichier au format .nfo. Si on peut faire preuve de méfiance à sa vue, il s’apparente plutôt à un simple fichier texte. Il est d’ailleurs recommandé de le consulter car on y trouve souvent des instructions d’installation lorsqu’il s’agit d’un jeu vidéo ou d’un logiciel. À son ouverture, on trouve en entête le logo ASCII du groupe Warez responsable du crack. Ensuite, on trouve des informations sur le média, la date de release, les instructions d’installations, des remerciements et parfois des annonces de la part du groupe warez. Il sert de cachet d’authenticité, de manuel d’utilisation et de communiqué de presse.

 

5 Un BBS ou Bulletin Board System signifie panneau d’affichage public numérique. Comme son nom l’indique, il permettait d’échanger des informations publiquement, et ce des années avant l’existence du web. À la fin des années soixante-dix, cette technologie fonctionnant sur des serveurs permettait d’envoyer des messages, de stocker et d’échanger des fichiers grâce à un modem relié à une ligne téléphonique. C’était un support très commun pour le piratage de jeu et l’échange d’information au sein de La Scène pendant les années quatre-vingt jusqu’au milieu des années quatre-vingt-dix. Avec l’arrivée du web le BBS a peu à peu commencé à s’essouffler. À l’époque, c’était une forme d’expression et de communication privilégiée par la scène Warez.


6 Un IDE ou « Environnement de Développement Intégré » désigne un outil informatique permettant aux développeurs de programmer des logiciels en écrivant des lignes de code.

 

7 Désigne une forme d’art consistant à créer des images en utilisant les caractères spéciaux du code ASCII, acronyme de American Standard Code for Information Interchange (Code américain normalisé pour l’échange d’information), norme informatique de codage de caractère apparue dans les années 1960 et toujours la plus utilisée aujourd’hui.

 

8 L’art ANSI est une forme d’art numérique rendu possible par le système d’exploitation MS-DOS. Il permettait de créer des visuels avec des rectangles verticaux et des carrés de trames différentes, ainsi que de nombreux autres glyphes. Il y avait le choix entre 16 couleurs avec 4 nuances à chaque fois et l’espace est limité à 80 caractères de large et 25 de hauteur, tout cela dans une grille de texte. Les flèches directionnelles permettaient de naviguer à travers la grille et il était possible d’opérer des sélection avec la souris, ainsi que des copier coller. La limitation de 25 caractères de hauteur fut déviée et les utilisateurs trouvèrent un moyen de superposer plusieurs écrans pour créer des visuels très longs verticalement.

 

9 Forme d’art numérique underground, pratiquée par des programmeurs passionnés, qui se manifeste sous forme de simulations graphiques en temps réel poussant les supports à leur limites, le tout accompagné de musique chiptune. Ces programmes sont aussi appelés des intros. Une démo est de la même nature qu’une cracktro, mais sans l’aspect illégal.

 

10 Le trainer est un petit programme qui permet de tricher sur un jeu vidéo. Il est rarement aussi animé et exubérant qu’une cracktro, on y trouve toujours le logo du groupe mais il se présente plutôt comme un menu à choix multiple.

 

11 Petit programme qui permet de générer une clé unique permettant d’acquérir un jeu vidéo ou tout autre programme payant.

 

12 La musique chiptune est un genre musical où les sons sont synthétisés par ordinateur ou par la puce audio d’une console de jeu. Le terme vient des composition musicales créee sur Amiga par la scène démo. En anglais, « chip » signifie puce informatique et « tune » signifie mélodie.

 

13 Contraction de high resolution ou haute résolution en français, elle défini une image où la trame du pixel n’est plus visible. Un hirez fait généralement la promotion d’un groupe Warez.

 

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Bibliothèque

Arcade game typography the art of pixel type

de Toshi Omagari,
avant-propos de Kiyonori Muroga,
éditions Thames and Hudson, 2019

« Arcade Game Typography présente aux lecteurs un nouveau monde fascinant de la typographie - la police de caractères pixel. Les concepteurs de jeux vidéo des années 70, 80 et 90 ont été confrontés à des limitations de couleur et de résolution qui ont stimulé une incroyable créativité : les lettres devant exister dans une grille carrée de 8x8, les artistes ont trouvé le moyen de créer des jeux de caractères expressifs et élégants dans une toile minuscule. Avec des caractères pixel soigneusement sélectionnés dans les premières décennies des jeux vidéo d'arcade, Arcade Game Typography présente un mouvement de "typographie outsider" jusqu'alors non documenté, accompagné de commentaires perspicaces de l'auteur Toshi Omagari, lui-même créateur de caractères Monotype, et de captures d'écran des caractères utilisés. Fruit d'une recherche exhaustive, ce livre rassemble une typographie éclectique issue de jeux à succès tels que Super Sprint, Pac-Man, After Burner, Marble Madness, Shinobi, ainsi que d'innombrables joyaux moins connus. Le livre présente ses caractères sur une grille dynamique et décorative, s'inspirant de spécimens de caractères haut de gamme tout en y ajoutant une touche ludique. Contrairement aux caractères d'imprimerie, les caractères pixel ont souvent des couleurs vives intégrées dans les caractères. Ainsi, Arcade Game Typography ne ressemble à aucun autre livre de typographie, pétillant de vie et de couleurs. »